Mon travail s’inscrit dans la
continuité de ma recherche sur la captivité et le mouvement. Ces deux thèmes
aux antipodes sont à la base même de mon vocabulaire et de ma démarche. Ces
antagonistes nourrissent l’expérimentation constante de vouloir insuffler la
sensualité à la matière brute et rébarbative qu’est l’acier, l’acier inoxydable
ou le bronze. J’ai choisi ces matériaux pour leurs qualités plastiques et esthétiques,
pour leur durabilité et aussi par affinité… Le feu, entre autres, est l’élément
et l’outil qui en permettent la maîtrise.
Déployer dans l’espace un
minimum de matière, par l’expression de mouvements parfois exubérants, aux
limites de l’équilibre, questionne ainsi les notions de gravité et de
stabilité. Apprivoiser ce matériau tient de la force corporelle, l’expérience
de transformation est donc physique et poétique. La naissance de l’œuvre, pour
l’essentiel, est une action directe avec la matière à assembler dans l’espace.
La gestuelle est le résultat de l’action
et de la confrontation : la résistance et la rigidité par opposition à la
souplesse du métal…
Résolument non-figuratif, mes
réalisations ne sont pas non plus du domaine strict de l’abstraction : à
partir du moment où la gestuelle exprime une émotion, l’œuvre est déjà
empreinte de sensibilité.
La verticalité dans ma
production n’étant pas la dominante, la lecture de l’œuvre n’est donc plus exclusivement
totémique ; l’œil est sollicité par le mouvement intrinsèque des lignes
directrices et dynamiques. Aussi, l’organique et le géométrique se juxtaposent,
se rencontrent et se toisent. Cette constance de vouloir donner une définition
autre que la signification initiale de l’objet lui-même, vient modifier la
perspective de l’interprétation de l’œuvre. L’opposition du solide et du souple
prend tout son sens du fait que ces poutrelles sont habituellement droites et
rigides, comme l’armature des bâtiments. L’énergie est l’issue créée par ces tensions
ou ces polarités, telle la danse, cet
art extraordinaire qui me fascine par cette communion des regards et de la
sensualité des corps en mouvement et par cet espace réinventé de beauté et de
gestes où l'émotion sans mot se traduit par l'intensité et le désir. L’art,
par sa vulnérabilité et sa précarité, déchire parfois les porte-à-faux de
l’imaginaire.
Claude Millette, sculpteur